CAMPAGNE DE FRANCE ET D'ALLEMAGNE 1944-1945 (témoignage lu et commenté par le témoin)

Apres la Libération de la Hte-Savoie, fin août 1944, à laquelle j'ai participé dans un Corps Franc de l'Armée Secrète du Secteur de Saint-Julien-en-Genevois, j'ai contracté un engagement dans la Première Armée Française, commandée par un chef prestigieux, le Général De Lattre de Tassigny, formée en Afrique du Nord d'éléments de toutes origines : Français d'A.F.N. et d'A.O.F., évadés de la Métropole, tirailleurs du Sénégal, du Soudan et du Dahomey, anciens maquisards, c'était mon cas,  et engagés volontaires. Son équipement et son armement lui furent fournis par les U.S.A., après le débarquement de l'armée américaine en Afrique du Nord en 1942.

Nous étions motivés par des sentiments où se mêlaient le goût du risque, l'esprit de sacrifice et une foi absolue en la victoire finale. Il s'agis­sait de mettre un terme à l'effroyable dictature du nazisme en obtenant la défaite et la capitulation des troupes allemandes qui occupaient la France.

Comme je l'ai écrit dans l'un de mes livres :

" On ne peut demeurer un homme

qu'en se battant contre ce qui diminue l'homme et l'avilit

Même avec le pressentiment

des déceptions que l'avenir apprête, même s'il est vain de vouloir

rompre les fers de la fatalité

Tout simplement

parce que ce combat pour l'homme

est le dernier rempart d'un monde"

 

A ce titre, notre combat fut exemplaire. Il doit rester dans la mémoire des jeunes générations qui pourront y puiser des exemples de dévouement, de courage et de sacrifice et garder ainsi le sens indispensable de la vertu.

En septembre 1944, après une période d'adaptation à notre nouvel armement, ayant quitté la caserne Galbert, à Annecy, à bord d'un G.M.C. - camion militaire de transport, en usage dans l'Armée Américaine, je rejoints le centre de regroupement et d'entraînement de la 9e  D.I.C., dans la région de Sarcey le Grand, au Nord de Pontarlier.

La plupart des éléments de la 9e D.I.C., après la prise de cette ville, étaient restés bloqués à TOULON par le manque d'essence. A l'exception du R.I.C.M., parvenu jusqu'à LYON et mis à la disposition de la 3e D.I.A., ainsi que du 7e R.T.A. transporté jusqu'à SERRES. Les autres régiments de tirailleurs montent à pied vers le Nord, par étapes classiques de 20 à 30 kms. Donc essentiellement, des troupes Sénégalaises.

Malgré la vive résistance de l'ennemi, les opérations de nettoyage du département  du Doubs se poursuivent jusqu'à la prise de GOUX.

Le 17 septembre, la 9e D.I.C. commence la relève de la 3e D.I.A. Déjà, le 13 septembre, le 8e R.C.C.C. et le R.A.C.M. sont venus renforcer le R.I.C.M.

Mais déjà, envisagé dès avant le débarquement en France, s'impose le blanchiment de la 9e D.I.C. - division mixte sénégalaise. La valeur combative des Sénégalais n'était pas en cause, bien évidemment, mais le froid risquait de les paralyser, comme ce fut le cas durant la Guerre de 1914-1918. Nous résistions mieux, habitués au froid, mais cela ne veut pas dire que nous étions à la noce. Il fallait donc remplacer environ 9 000 hommes. Une intense action de recrutement est donc menée dans toute la France en septembre et octobre. En plus de nombreux particuliers, des groupements entiers de la Résistance rejoignent les Centres d'Instruction Divisionnaires : par exemple le Bataillon de Chartreuse, ce­lui de Guyenne, les F.T.P. de LANGRES, le maquis de LOMONT. La Haute-Savoie à elle seule fournit plus de 2 500 recrues.

Le 1er novembre 1944, les 4e , 6e  et 3e  Régiments de Tirailleurs Sénégalais deviennent les 21e , 6e et 23e R.I.C. Il neige depuis plusieurs jours et, le 14 novembre, l' offensive du Haut-Doubs se déclenche. Il serait trop long de vous donner tous les détails des opérations menées par les seules unités de la 9e D.I.C. précisons uniquement que, le 15 novembre, progressant à gauche du 9e Zouaves, le II/21e R.I.C. (2e compagnie, mon bataillon), montant à l'assaut d'ECURCEY, laissera une centaine de morts et de blessés sur le terrain. Le I/21e R.IC. gravit les pentes abruptes de GRATTERY et occupe, après une âpre lutte, des crêtes d'où les Allemands dominaient le bourg de PONT DE ROIDE. Dans la vallée du Doubs, mon bataillon s'empare de Forges de Bourguignon. Le 7 novembre, le 21e R.I.C. occupe MATHAY et passe le Doubs à MANDEURE.

La résistance de l'ennemi est brisée, son dispositif désorganisé. La 9e D.I.C. a ouvert la route de l'Alsace aux tanks de la lère D.B. du général du Vigier. C'est le R.I.C.M. qui s'engage à fond, le 18 novembre dans la zone HERIMONCOURT – ABBEVILLERS, qui tombe par surprise. De nuit, avec une audace splendide, il pousse sur DELLE dont il s'empare, le 19, aux premières heures du jour, avec l'appui des Zouaves. Le R.I.CM. (régiment motorisé qui pouvait faire des percées foudroyantes) fonce alors vers l'Alsace, prend SEPPOIS, premier village d'Alsace libéré, puis atteint le Rhin, le 20 novembre, à 11 heures.

C'est alors le baptême émouvant du fanion de la première patrouille parvenue au fleuve, celle de l'aspirant DELAYEN.

La 9e D.I.C. assure alors la protection des convois de vivres, de munitions et surtout d'essence, qui empruntent la grande route de MONTBELIARD à MULHOUSE et sont harcelés par des groupes mobiles de l'ennemi, infiltrés dans les bois. La 9e D.I.C. fait méthodiquement le nettoyage de cette région.

Le 21 novembre, mon régiment (le 21e R.I.C.) prend MORVILLARS, avec l'appui de l'artillerie divisionnaire.

Il serait trop long et fastidieux de donner le détail des opérations qui se déroulèrent dans ce secteur du Haut-Doubs et auxquelles le 21e R.I.C. participa. Précisons seulement qu'une action de grand envergure, montée par le Général MAGNAN, qui commandait la 9e D.I.C., à partir du 27 novembre, aboutit à la prise de l'Oberwald, point d'appui important de l'ennemi, et au nettoyage des bois et localités environnants. Les combats les plus violents se déroulent jus­qu'au 11 décembre et se terminent par la prise de VILLAGE-NEUF, de HUNINGUE et de LOECHLE.

Commence alors, pour le 23e et le 21e R.I.C., une faction pénible dans les bois de la HARTH, au Sud de MULHOUSE. Le secteur est dur. Il fait très froid (jusqu'à 20°C au dessous de zéro, parfois jusqu'à 26°C…). Nous sommes dans des trous de combat, dans des caves de maisons détruites par les bombardements, dans la forêt. Nous sortons fréquemment en patrouilles pour recueillir des renseignements, voire ramener des prisonniers. C'est dans cette situation que nous passons les fêtes de Noël et du Jour de l'an, et jusqu'au 17 janvier 1945.

La 9e D.I.C. reçoit alors l'ordre d'attaquer en direction de PFASTATT et de cité ANNA pour couvrir l'action du 1er Corps d'Armée sur CERNAY. L'opération commencera le 20 janvier. C'est ce qu'on a appelé l'offensive du Haut-Rhin. C'est au cours des combats du 20 au 30 jan­vier, pour la prise des cités ANNA et KUHLMANN et de WITTENHEIM, que se situe l'exploit du Sergent- Chef DANET, tireur d'élite, qui hissé sur un transformateur, abattit, l'un après l'autre, onze allemands qui progressaient en se dissimulant à contre-pente. Donc avec une carabine spéciale, du matériel récupéré sur les Allemands, une carabine Mauser ou Mannlicher qui étaient équipées de lunettes de visée. Y'avaient des gars qui étaient capables de vous mettre une balle dans la tête à 200m avec ces carabines. J'en ai fait l'expérience. J'ai eu une chance c'est que la balle était une balle explosive autrement je serai pas là pour vous parler aujourd'hui.

Il aura fallu trois jours pour s'emparer de la cité KUHLMANN. La résistance de l'ennemi a également été farouche dans la cité SAINTE-BARBE où les mai­sons doivent être prises d'assaut une par une. J'en sais quelque chose, j'y ai participé.

Le 21e R.I.C. s'empare de la Cité SANS NOM, franchit de vive force la rivière LA THUR le 4 février. Oui franchir de vive force ça veut dire qu'on attend pas que le génie ait placé des ponts, on rentre dans l'eau, et on a quelques fois traversé, ça a été le cas pour la Thur et l'Ill, on y viendra plus tard, avec de l'eau jusque là (il montre la poitrine) et puis il était pas question de changer de vêtements quand on arrivait de l'autre côté. D'abord des vêtements il n'y en avait pas. Et puis, ça s'y prêtait vraiment très mal, parce que de l'autre côté, les Allemands étaient là avec tout ce qu'il fallait pour vous accueillir: les mitrailleuses, les mortiers et tout le reste… Puis le 5 février, donc on n'avait pas eu le temps de respirer, à l'aube, nous franchissons l'ILL, qui était en crue par-dessus le marché, occupons UNGERSHEIM et finalement ENSISHEIM pour pénétrer dans la Forêt de la HARTH dont nous assurons le nettoyage.

C'est la 9e Compagnie du 21e R.T.C. qui occupe CHALAMPE, le 8 février, à 10 heures. Le Rhin est atteint. C'est la fin de la bataille d'Alsace.

L'action décisive de la 9e D.T.C. au cours de la campagne d'Alsace lui a mérité une magnifique citation à l 'Ordre de l'Armée.

Une même citation à l'Ordre de l' Armée a été donnée au 21e R.T.C. (mon régiment) pour son comportement durant cette campagne.

CAMPAGNE D'Allemagne

Maintenant on va franchir le Rhin et on va battre les Allemands.

Aurélien: A propos du passage des rivières, il y avait bien du courant, non?

V: oui mais on se tenait les uns aux autres pour passer. Il y en a quelques uns qui ont été emportés… Y'en a eu.

Prof: et les armes?

V: ben oui, les armes on les met sur les épaules. Soit le fusil automatique américain, soit le pistolet- mitrailleur Thomson, ou la carabine U.S. légère qu'avaient les gradés. Ils mettaient ça en travers du cou. Et puis tout le reste … les cartouchières, les grenades, tout le bataclan… ça faisait du poids!

La campagne d'Allemagne durera du 1er avril au 2 mai 1945. Date où nos troupes ont atteint pratiquement le Danube.

Durant le mois de mars, nos régiments, de part et d'autre de STRASBOURG, montent une garde vigilante le long du Rhin, en face d'un ennemi qui ne désarme pas et multiplie les incursions sur la rive française. Sur la rive allemande, il poursuit son installation défensive, constituée, en particulier, de blockhaus très rapprochés. Vous voyez les blockhaus ce sont des fortins, béton très épais, avec des canons à tir rapide ou des mitrailleuses lourdes. Voilà. C'est pas facile d'en prendre un de blockhaus.

Le 31 mars, le 21e R.T.C., avec d'autres unités, gagne la zone de concentration de KUHARDT et HATZENBUHL. Le 2 avril, malgré les efforts du Génie, les plages d'embarquement, situées dans un bras du Rhin, hors la vue de l'adversaire, ne disposent pas de tous les moyens prévus. L'opération de franchissement du Rhin est tout de même déclenchée avec seulement sept canots et 9 bateaux à moteur, à 11 heures. Quatre compagnies embarquent (dont la mienne) à raison de 12 hommes par embarcation, après une intense préparation d'artillerie assurée par le R.A.C.M. et les mortiers du 21e R. 1. C.

C'est le va et vient, sous l'éclatement des obus adverses. Un canot chargé, au retour, d'une vingtaine de prisonniers est touché. Il disparaît avec sa cargaison dans un remous ...

A 17 h.30, la tête de pont prend forme. A la 2e Compagnie (la mienne) se heurte à la résistance acharnée de deux blockhaus que des éléments ennemis tentent de dégager. Deux heures sont nécessaires pour les réduire. On a du quelques fois employer les lance-flammes. Sans employer les lance-flamme il faut arriver à loger une grenade ou un coup de panzer-frost (les bazookas) dans les trous où se trouvent les mitrailleuses et ça… vous avez autant de chance d'être descendus que de descendre l'adversaire dans pareil cas.

Malgré les bombardements de l'artillerie allemande, la tête de pont se développe. Une première colonne de blindés - des tanks destroyer (c'étaient les plus gros tanks qu'on utilisait dans l'armée française qui étaient de fabrication américaine, avec un blindage super épais qui résistaient, ceux-là, pas toujours mais enfin souvent aux obus de 88 allemands qui avaient un pouvoir de perforation énorme qui étaient tirés par les chars allemands jagde panther) du R.C.C.C. et 2 escadrons du R.I.C.M. - passe le fleuve sur le pont de MANHEIM, non dynamité, pour faire sa jonction à LINKENHEIM avec l'infanterie. Après un combat de 4 heures, les automitrailleuses prennent HOCSTETTEN et LANKEIHElM.

Une deuxième colonne blindée franchit, à son tour, le Rhin à MANHEIM. C'est alors l'attaque de KARLSRUHE au Nord-Ouest par le 21e .R.I.C. et par le Groupement Navarre de la 9e D.I.M. au Nord-Est. Le 4 au matin, KARLSRUHE sera prise sans résistance sérieuse. On a été surpris, ils ont détalé, ils n'ont pratiquement pas résisté.

Le 21e  R.I.C. reprend sa progression sur LEOPOLDSHAFEN. Freiné par un important barrage anti-chars, il marque un temps d'arrêt, puis d'EGGENSTElN. Arrêté à nouveau par des blockhaus, il parvient à nouveau à NEURENT et les blindés occupent KNIELINGEN.

Le franchissement du Rhin continue à LEIMERSHEIM : c'est le tour  du 23e R. I. C.

Un court combat à ETTLINGEN, avec le R.I.C.M., se solde par 30 prisonniers et 50 tués chez les Allemands. Les Français ont perdu un char, mais l'équipage est sauf.

Le 21e  R.I.C. continue sa progression sur l'axe FORCHHEIM – MORSCH-­DURMERSHEIM.

Le 4 avril, l'escadron Aubinière du R.I.C.M., escadron d'infanterie motorisé, s'empare de FORCHHElM mais rencontre une très forte résistance à MORSCH. La 6e Compagnie (la mienne) du 21e R.I.C. se dirige rapidement sur MORSCH pour le sou­tenir.

Le nettoyage du bourg est achevé à 15 heures, mais le contact reste étroit. Les Allemands tiennent toujours les groupes de blockhaus aux lisières du bourg. Les autres compagnies du 2e Bataillon du 21e R.I.C. s'installent à leur tour dans MORSCH. Elles sont arrivés a

Voici maintenant le récit de mon dernier combat, tel qu'il fut reproduit, il y a 32 ans, par le Dauphiné Libéré .

Pour le Caporal Verdonnet la guerre allait se terminer.

Pour moi Morsch c'est important c'est là que je me suis fait blesser…

On en a beaucoup parlé parce que de Lattre appelait ça la victoire de la bretelle de Morsch. Pourquoi la bretelle? Parce qu'il y avait tout un système de fortifications autour de Morsch, c'était une ligne importante les Allemands voulaient empêcher notre progression. Il y avait les blockhaus, à intervalles assez courts, et puis il y avait des tranchées qui permettaient de joindre les blockhaus entre eux. Il y avait là une mine de résistance très forte.

 

LE COMBAT DE MORSCH

Le 5 avril 1945 au matin, la 6e Cie du 21e  R.T.C., commandée par le Capitaine SURUN, arrive aux abords de MORSCH, un gras bourg sur la route de RASTATT. Peu après son départ de KARLSRUHE, la colonne subit le harcèlement de l'artillerie allemande. Les pertes sont très légères. Mais, aux premières maisons de MORSCH, elle est soumise à un tir in­tense de mitrailleuses. Et commence le lourd vacarme de la guerre : rafales de pistolets-mitrailleurs, explosions de bazookas. Le combat de rues commence. Les éclaireurs de la 6e Cie ripostent énergiquement aux tireurs ennemis, fréquemment dissimulés derrière les soupiraux des caves. Des hommes tombent, parfois blessés grièvement. Leurs ca­marades, couverts au fusil-mitrailleur, les atteignent et les traînent à l'abri, parmi les éclatements d'obus de mortiers.

En s'infiltrant de rues en rues, les voltigeurs de la 6e Cie parvi­ennent au centre de MORSCH, sous un feu toujours nourri. Puis c'est l'accalmie qui ne présage rien de bon ... Des hommes de la 6e Cie  atteint la sortie du bourg, aux dernières heures de l'après-midi, accompagnés de chars Shermann, lorsque tout à coup un déchaînement d'armes automatiques et de grenades les cloue sur place. L'ennemi s'était replié, mais pour peu de temps, et sa réaction devenait à nouveau très agressive.

Deux Shermann brûlent maintenant, touchés par des panzer-fost. Le lieutenant de la première section de voltige s'abat, une balle en pleine tête. Son second, un sergent-chef, est presque coupé en deux par une rafale de mitrailleuse. Les blessés se font nombreux. Le Capitaine Surun confie au Caporal Verdonnet, seul gradé valide, le commandement des rescapés de sa section: ils ne sont plus que seize...

Le Caporal Verdonnet, qui s'est " porté spontanément en avant pour observer l'origine d'un tir violent" (cf. citation N° 71, du 22.05. 1945, à l'Ordre de la Division) est touché à son tour, le visage et les yeux criblés par des éclats de balle explosive. Le Capitaine Surun veut qu'on l'évacue. Le Caporal Verdonnet lui répond : " Ce n'est pas le moment, les gars ont encore besoin de moi "

COMBAT DE MORSCH

Tout dans le paysage n'est que ruines et désolation. Des granges flambent et des porcs hurlent en courant. Ordre a été donné au 2e Bataillon du 21e R.1.C. de se retrancher à l'intérieur de MORSCH. La Cie Surun ne compte plus que 90 combattants extenués. L'ennemi va-t-il poursuivre sa contre-attaque? Les marsouins recevront-ils sous peu des renforts ?

Sur le bourg qu'éclairent les flammes des incendies, trouée par les hululements des minenwerfer dont l'effet est particulièrement démoralisateur, la nuit descend... comme dans les yeux du jeune caporal : on constatera plus tard qu'il a reçu 17 éclats de balle. Le Capitaine Surun est encore venu lui proposer de se laisser évacuer. Un nouveau refus lui est opposé avec la même obstination : " Si je les quitte, plusieurs de mes gars risquent de flancher. Tant que je serai avec eux, ils tiendront ". Les larmes et le sang se mêlent sur ses joues qu'il essuie d'un revers de manche de son battle-dress. Il est calme, résigné. Il se répète la phrase d'Alain Fournier: " On n'a rien donné, tant que l'on a pas tout donné ". Longuement, la main du Capitaine Surun lui a serré l'épaule. Les plaintes montent parfois des mourants restes entre les lignes, et pour qui le jour ne se lèvera plus...

Au matin, la Wehrmacht a fait retraite. La " Bretelle de Morsch " s' effondre

 

NOTES EXPLICATIVES

Bazooka: arme de l'infanterie, formée d'un tube lisse avec viseur. Portée sur l'épaule, en position de tir, elle permet d'envoyer des projectiles à charge creuse, capables de percer les blindages des chars d'assaut. Utilisée parfois contre les fantassins.

Panzer-fost : nom allemand de la même arme.

Shermann : char d'assaut de fabrication américaine.

Mortier : arme à tir courbe (composée d'un tube à âme lisse, d'un bipied et d'une plaque de base) envoyant des obus à ailettes, de petit calibre. Utilisé par l'infanterie. Deux modèles dans les troupes alliées: le Brandt, de 81, et celui de 60.

Minenwerfer : obusier mobile de 120, composé de six tubes dont les coups par­tent à environ une seconde d'intervalle. A l'origine, de fabrication russe. D'où son appellation : " Orgue de Staline ".

Fumigènes : obus qui dégagent, en touchant le sol, une épaisse fumée servant à masquer la progression d'une vague d'assaut.

Feldgrau : couleur des uniformes de l'infanterie allemande et qui servait à la designer.

Battle-dress: blouson de combat, en toile doublée de feutre, commun à toutes les unités américaines et françaises durant le seconde guerre mondiale.

Une compagnie d'infanterie, en 1944-45, se composait habituellement de 4 sections de 36 hommes chacune : deux sections de voltigeurs, une section de mitrailleuses, une section de mortiers.

ABREVIATIONS

D.I.C. : Division d'Infanterie Coloniale

R.I.C. : Régiment d'Infanterie Coloniale

R.I.C.M. : Régiment d'Infanterie Coloniale d Maroc

D.I.A. : Division d'Infanterie Algérienne

R.T.A. : Régiment de Tirailleurs Algériens

R.C.C.C. : Régiment Colonial de Chasseurs de Chars

R.A.C.M. : Régiment d'Artillerie Colonial du Maroc

F.T.P. : Francs-tireurs Partisans

I/, II/, III/ : désigne dans l'ordre les bataillons d'un régiment

T. D. : Tank destroyer (tank lourd de grande puissance) .

Les décorations

REPUBLIQUE FRANCAISE

Extrait de la Décision N° 569

Le Président du Gouvernement Provisoire de la République Française, Chef des Armées, cite à l'Ordre de l'Armée

LA 9e DIVISION D'INFANTERIE COLONIALE

" Magnifique Division d'attaque qui, sous les ordres du Général MORLIERE et du Général SALAN, vient de se couvrir de gloire au cours de l'offensive victorieuse qui, déclenchée le 20 jan­vier, a amené la résorption totale de la poche allemande de COLMAR.

Malgré la résistance acharnée de l'ennemi, les réactions inces­santes de ses blindés et les difficultés considérables dues au terrain et aux circonstances atmosphériques, a conquis pied à pied toute la banlieue et la Cité Nord de MULHOUSE, repoussant toutes les unités qui lui étaient opposées, puis franchissant l'Ill de vive force par une solide tête de pont qui lui a permis de poursuivre rapidement sa marche sur le Rhin, a parachevé cette tâche en nettoyant la Forêt de la Harth, infestée de mines et de pièges, assurant ainsi sur les rives mêmes du Rhin le rejet définitif de l'armée allemande hors du territoire alsacien.

A, au cours de ces vingt journées de combats ininterrompus, infligé à l'ennemi des pertes extrêmement lourdes et capturé près de deux mille cinq cents prisonniers, ainsi qu'un impor­tant matériel de guerre "

Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec palme.

PARIS, le 27 mars 1945

Signé : de GAULLE

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

Extrait de la Décision N° 1106

 

Le Président du Gouvernement Provisoire de la République Française, Chef des Armées, cite à L'ORDRE DE L'ARMEE

LE 21e REGIMENT D'INFANTERIE COLONIALE

 

" Magnifique régiment, issu du 4e Régiment de Tirailleurs Sénégalais qui s'est illustré à l'ILE D'ELBE en juin et à TOULON en août 1944.

Sous les ordres du Colonel BOURGUND, a été lancé, le 1er février 1945, dans la bataille d'ALSACE, après trente trois jours de ligne passés en Forêt de la HARDT.

Le 2 février, par une manoeuvre habile, a surpris l'ennemi et conquis de haute lutte la Cité Sainte-Barbe, les puits Eugène, Théodore dont il est resté maître malgré trois contre-attaques d'infanterie appuyées par des blindés. Poursuivant son effort, s'empare de la cité de PULVERSHEIM, passe la THUR, puis, par un exploit qui demeurera dans les annales des Troupes Coloniales, franchit de nuit, de vive force, l'ILL en crue et prend d'assaut ENSISHEIM, noeud essentiel des communications ennemies, capturant entre autres matériels un char panther intact dont l'équipage s'enfuit devant la fougue des assaillants.

Sans désemparer, pousse résolument en avant et, le 9 février 1945, entre le premier à CHALEMPE, atteignant le Rhin.

Pendant ces dix jours de bataille acharnée, a fait plus de quatre cents prisonniers."

Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec palme.

PARIS, le 4 septembre 1945

Signé : DE GAULLE.

 

Citation à l'Ordre du Régiment

Fonctionnaire caporal Jean VERDONNET

Ordre N° 157, du 28 avril 1945, du Commandant le 2e Bataillon du 21e Régiment d'Infanterie Coloniale

" Jeune fonctionnaire caporal, plein d'allant et d'entrain. A toujours entraîné ses hommes et donné l'exemple au cours des opérations du 1er au 6 février 1945 sur la Cité Sainte-Barbe, sur la Cité de Pulverheim et aux pas­sages de vive force de la Thurr et de l'Ill."

Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile de bronze.

 

Citation à l'Ordre de la Division

Caporal Jean VERDONNET.

Ordre N° 71, du 22 mai 1945, du Général commandant le 9e Division d'Infanterie Coloniale.

" Caporal courageux, allant toujours de l' avant. Le 5 avril 1 1945, au cours du nettoyage de MORSCH, s'est spontanément porté en avant pour observer l'origine d'un tir très violent. Blessé au visage par une balle explosive, a refusé de se laisser évacuer avant la fin du combat "

Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile d'argent.

 

 

Extrait de la Décision N° 1106

Le Président du Gouvernement Provisoire de la République Française, Chef des Armées, cite A L'ORDRE DE L'ARMEE

Le Caporal VERDONNET Jean

de la 9e Division d'Infanterie Coloniale.

" Jeune caporal des Troupes de Marine de la Première Armée Française, animé de sentiments patriotiques d'une rare élévation, a servi avec un courage exceptionnel durant les campagnes de France et d'Allemagne. Volontaire pour les missions périlleuse, possédant la notion du devoir au suprême degré, a toujours agi avec le plus grand calme et un total mépris du dan­ger, vivant et magnifique exemple de disci­pline et de maîtrise de soi pour ses camarades de combat "

Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme.

Signé : DE GAULLE

Paris, le 4 septembre 1945.