La manifestation du 11 novembre 1943

 

"Je m’appelle Lucien Colonel. Et j’ai été, je suis rentré dans la résistance à Grenoble à l’âge de 17 ans au sein du mouvement Libération Sud. Bon j’ai participé assez activement à cette résistance grenobloise dans la mesure où je le pouvais vu mon âge. Malheureusement, cela n’a pas duré très longtemps, un an, puisque que les Mouvements de Résistance Unifiée de Grenoble avaient organisé une manifestation patriotique pour commémorer l’anniversaire de l’armistice de 14-18.

 

 

 

 

 

 

 

Une manifestation qui a eu d’ailleurs une grande importance, dont on a parlé après très souvent sur le plan national, parce qu’il y a eu deux manifestations qui ont marqué la France pendant l’occupation : le 11 novembre à Grenoble et le 11 novembre 1943 également à Oyonnax où les maquisards ont défilé dans les rues de la ville . Bon alors au cours de cette manifestation, alors que nous étions rassemblés auprès du monument des Diables Bleus c’est un monument qui a été élevé à la mémoire des Chasseurs Alpins morts pendant la guerre de 14-18, tout d’un coup on était entre 1500 et 2000 manifestants, tout d’un coup on a vu partir une fusée dans le ciel et tout de suite, dans les minutes qui ont suivi, la place a été cernée de toute part, avec la police française et la troupe allemande.

 

 

 

 

 

 

Photo du monument des Diables Bleus, collection personnelle.

 

On a été tous arrêtés, tout le monde a été cerné sur cette place, il s’avérait que sur cet emplacement, au pied de la maison des étudiants, il y avait un terrain vague qui était clos de barbelés. Vous voyez c’est une circonstance qui a fait que… Alors on nous a parqués dans ce, ce, cet enclos, et dans l’après-midi les Allemands ont libéré les femmes et les enfants et le soir tous les hommes on a été transférés dans le manège de l’Ecole, de la caserne du 2ème d’artillerie à Grenoble où on a passé la nuit et le lendemain il y a eu interrogatoire d’identité et on nous a sélectionné, 400 jeunes de 17 à 25-30 ans… Et trois jours après, ces 400 jeunes nous avons été transférés dans le camp de Compiègne, c’est un camp d’internement où nous étions là en instance de partir en Allemagne et… le 17 janvier, la plupart de ces Grenoblois, nous avons été déportés au camp de Buchenwald, puis après on a fait différents commandos et tout. Et en 1945, à notre retour en France, nous nous sommes retrouvés 102 survivants sur les 400."

Photo de la maison des Etudiants, collection personnelle: ce bâtiment avait été réquisitionné par le général Pflaum comme QG de l'Etat Major allemand.

Témoignage de Marc Ferro

"Jusqu'au jour où dans la classe, on a commencé à être actif. Notamment après que la ville de Grenoble soit passée sous la coupe des Allemands puisqu'elle était occupée par les Italiens. C'était donc en 43. A ce moment- là, à commencer à régner une relative terreur, il y avit des rafles de jeunes, des manifestations. Le 11 novembre. Vous y êtes allé? Bien sûr, tout le monde y était. Toute la classe y était. Non seulement toute la classe mais en 43, je ne sais plus à quelle occasion, notre prof de lettres qui s'appelait Seguin, et que quelques-uns dans la classe soupçonnait plus ou moins d'être vichyste ou pétainiste, et pas vraiment d'esprit résistant, pour montrer qu'il l'était, a manifesté et s'est mis un costume blanc au milieu des manifestants au mois de novembre... C'était une manière de dire que c'est pas parce qu'il faisait des textes sur Bossuet qu'il était catho et vichyste. Ce sont des souvenirs qui me reviennent.

On y est allé chacun de son côté, il ne fallait pas se regrouper. Quand il y a eu des tirs, on s'est dispersé, on est vite reparti.

On a sous estimé les risques. Les Allemands étaient là depuis peu. On savait qu'on allait être dispersé mais ... on n'a pas soupçonné. Dans ma classe, tout le monde y était. Même le vychiste. De toute façon, on aurait fait la tête aux absents."

Trajet de la manifestation, tiré de "Grenoble en résistance, parcours urbain", Duclos et Ihl, Editions du Dauphné Libéré, 2004.

 

 

Plaque de commémoration apposée devant la maison des Etudiants, collection personnelle

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Monument de la déportation, près de celui des Diables Bleus, collection personnelle.